Extrait de ma nouvelle "Sentiments Profonds"
Extrait de ma nouvelle "Sentiments Profonds"
Par Yves Herbo - parue dans Studio Babel 2
Moog, l’ordinateur, observait de ses yeux aveuglants son ami, assis devant le panoramique. Pour l’instant, Jay lui tournait le dos, et observait silencieusement l’espace. Moog se rappela les paroles si souvent prononcées : «
Ils avaient quitté
Mais l’enthousiasme des débuts s’était éteint complètement. Pourtant, Jay en avait, de l’enthousiasme ! C’est simple, il était gonflé à bloc. Les premiers mois avaient été enchanteurs pour eux. Ce n’était que gaîté et jeux à ce moment… combien avaient-ils disputés de parties d’échec ou de batailles spatiales à l’époque ?
Moog se souvenait de tout cela, les longues conversations animées sur divers sujets, les commentaires partagés ou non devant un film, les plaisanteries lancées à la volée, les éclats de rire de Jay lorsqu’il se souvenait trop tard qu’il se trouvait dans la salle d’exercices, et que son café liquide flottait en bulle à cause de l’apesanteur de la salle… puis Moog pensa à Gina. S’il avait eu un cœur, il se serait brisé à ce moment. Gina, la si belle femme qui accompagnait Jay.
Avec elle, c’était formidable… ses exclamations d’allégresse et de joie retentissaient alors dans les coursives vides, parvenant aux écouteurs amusés et envieux de Moog.
Ah, pourquoi les techniciens terriens avaient-ils rendus Moog si… si humain ! Ont-ils simplement réalisé qu’en donnant des sentiments et des sensations psychiques à un ordinateur, ils le feraient souffrir ? Ou était-ce une impossibilité pour eux ? Pourquoi, pourquoi donc avaient-ils inventé cet être mi-mécanique, mi-humain ? Humain par l’esprit, mécanique par le corps ?
Moog, en pensant toutes ces choses, savait que c’était idiot. Il aurait dû être reconnaissant, au contraire, d’avoir la chance d’exister ! Et pourtant… Il savait qu’il se torturait inutilement. Il ne pouvait plus rien faire. Il ne pouvait plus rien faire d’autre que regretter. Regretter de toutes ses forces, avec amertume.
— Jay… je sais. C’est horrible…
Jay ne répondit pas. Moog s’y attendait. Comment donc Jay aurait-il pu lui pardonner ? À lui, son ami ?
— Jay… je t’en supplie, dis quelque chose !
(...) à suivre... (c) Yves HERBO.
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SFH 06-2012
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