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Incursion dans un domaine trop réservé : la monnaie - Part 6

yvesh Par Le 27/04/2012 0

Dans Politique-Economie

Incursion dans un domaine trop réservé : la monnaie - Part 6

Deuxième partie Part IV

 

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«Viens m'aider ! Celui qui fit comprendre à son semblable le sens de ces mots est le fondateur inconnu de toutes les sociétés humaines.»

Jacques Duboin (Libération)

IV b
Monnaie et société


Les conséquences d'une monnaie de dette.

Quel que soit l'aspect considéré, et contrairement à l'affirmation libérale selon laquelle la monnaie est neutre, la réalité montre que le fait d'utiliser des monnaies de dette non gagées sur une richesse manifeste et créées par des sociétés privées ayant leur seul profit pour objectif, est extrêmement lourd de conséquences, même si celles-ci ne sont généralement pas perçues comme telles :

Au plan national : un engagement commun.

On a vu plus haut que la loi (35) faisant obligation à tous les ressortissants d'une nation (ou d'un groupe de pays, tel que “l'Euroland" (36), d'accepter en paiement sa monnaie, celle-ci est devenue la reconnaissance d'une dette collective : elle engage tous les ressortissants de cette nation à fournir l'équivalent de la somme mentionnée à quiconque présente cette monnaie et qui a, de ce fait, un droit de tirage sur les biens et services mis en vente par cette nation.

La monnaie constitue donc un lien national (ou communautaire) entre les citoyens du pays (ou du groupe de pays) qui l'émet : ils sont unis, note Benjamin J. Cohen (37), par l'engagement commun que constitue leur monnaie comme ils sont unis, par exemple, par l'usage d'une langue nationale commune.

Alors une question se pose : qui peut prendre un tel engagement au nom d'un État ? Il nous semble évident que dans une démocratie ce ne peut être que les représentants élus du peuple, et c'est cette évidence qui fait que la plupart des gens croient, en toute bonne foi, faites-en l'expérience en interrogeant votre entourage, que ce sont les autorités publiques qui ont le monopole de la création de la monnaie et de son contrôle.

On a vu que le contrôle des gouvernements sur leur monnaie nationale s'est institué au début du XIXéme siècle et qu'il a eu son apogée au milieu du XXéme. Mais qu'au cours des années 1980, dans la foulée du fameux “tournant libéral” précédemment décrit, il a été abandonné.

Et les conséquences sont lourdes, sinon bien perçues : en abandonnant ce pouvoir, qui nous paraît pourtant légitime, les gouvernements ne se sont pas seulement privés de la possibilité pour l'État de recourir à la création monétaire pour faire face, en cas d'urgence, à des dépenses publiques nécessaires et imprévues. Ils ont aussi renoncé à un outil essentiel de gestion de l'économie, par la fiscalité (dont dépend la redistribution) et par l'intermédiaire des taux d'intérêt ou des taux de change : en créant plus de monnaie, l'État pouvait décider d'accepter l'inflation qui, en diminuant le poids des dettes, favorisait les débiteurs au détriment des prêteurs, ou, au contraire, en décidant de limiter la création monétaire, le gouvernement rassurait les créanciers. La dévaluation d'une monnaie était un avantage concurrentiel immédiat offert aux exportateurs du pays.

Enfin, le monopole public sur la monnaie renforce naturellement l'autorité du politique : il est évident que plus un gouvernement est capable d'assurer son monopole, moins sa politique est soumise à des influences étrangères. Or depuis que la libre circulation des capitaux a supprimé ces monopoles nationaux sur les monnaies, celles-ci peuvent être utilisées en dehors de leur territoire (entre autres, dans les paradis fiscaux) et elles s'offrent ainsi aux transactions et aux placements. Les gagnants sont les acteurs privés qui peuvent échapper aux contraintes de toute politique monétaire, et les perdants sont les gouvernements, donc ceux qui les ont élus

 

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Au plan international

Tant que la majorité des monnaies étaient convertibles en or, étalon universel de référence, les taux de change entre monnaies résultaient d'un simple calcul, purement mathématique, celui des rapports entre leurs poids respectifs d'or. Les transactions se réglaient dans n'importe quelle monnaie et seuls les soldes débiteurs entre pays étaient réglés par référence à l'or.

Depuis l'abandon de cette référence, les échanges commerciaux internationaux peuvent s'établir dans n'importe quelle monnaie ; le pays exportateur peut fixer son prix dans sa propre monnaie, le pays importateur peut exiger de payer avec sa monnaie nationale, ou, si l'acheteur et le vendeur le décident, ils peuvent utiliser la monnaie d'un pays non concerné par leur transaction.
En résumé : il n'y a pas de monnaie internationale, il n'y a plus de référence universelle définissant un taux de change entre monnaies, qui sont toutes des monnaies de dette dont la valeur fluctue en fonction des marchés.

Or nous avons vu que le fait d'utiliser, dans une transaction commerciale, une monnaie de dette introduit un délai et un risque pour le vendeur : celui-ci se retrouve, après avoir fourni sa marchandise, avec un titre de crédit qu'il va lui falloir ensuite faire accepter en paiement d'autres marchandises. Il est donc pour lui très important d'être payé dans une monnaie dont il pense qu'elle a et qu'elle va garder, ou mieux qu'elle va gagner du pouvoir d'achat. Une monnaie est dite forte parce que son pouvoir d'achat est en hausse : c'est la tendance qui est importante, plutôt que la valeur instantanée. De sorte qu’il se passe pour la valeur des monnaies ce qui se passe en Bourse pour la valeur des actions : un gros investisseur international peut agir sur les cours :

lorsqu'il mise sur une monnaie ou un titre en l'achetant en masse, la valeur de cette monnaie ou de ce titre monte et alors tout le monde en veut, et sa cote continue à monter. Et si brusquement, en sens inverse, un investisseur décide de se débarrasser d'un titre, ou de devises, ses semblables, comme les moutons de Panurge, pensent qu'il a des raisons de penser que ce titre va perdre de sa valeur, alors ils vendent aussi, et, effectivement, le titre baisse. Les cours des monnaies, comme ceux des actions, peuvent donc être amplifiés par la spéculation. Ainsi, depuis qu'elle obéit à l'idéologie libérale, l'économie mondiale, et avec elle les monnaies du monde, n'est pas pilotée dans l'intérêt général, mais vogue à la merci d'emballements ou de vents de panique dont il est impossible de prévoir l'amplitude et la portée.

 

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L'hégémonie pour le pays dont la monnaie est utilisée

Le commerce international a pris l’habitude d'utiliser le dollar pour les échanges extérieurs, au cours de la période 1933-1971 pendant laquelle cette monnaie est restée la seule à être théoriquement indexée à l'or. Cet usage fut conforté après la seconde guerre mondiale parce que l'économie des États-Unis était la première du monde, son industrie florissante était en pointe dans pratiquement tous les domaines, ses entreprises, qui, elles, n’avaient pas été bombardées, ont profité d'énormes marchés de reconstruction dans le monde entier.

Le déséquilibre de la balance des paiements des États-Unis avec l'échec de leur guerre contre le Vietnam a menacé ce rôle du dollar quand il était devenu évident que les banques américaines n’avaient pas en dépôt de quoi honorer de telles dettes. Mais à cette époque, aucune autre devise n’était parvenue à inspirer plus confiance que le dollar.

Depuis, l’Union européenne se construit au plan économique, la société Airbus en est un exemple : ses avions concurrencent ceux de l’Américain Boeing. Et pourtant Airbus, devenue EADS, établit encore ses prix en dollars, le comble est qu’elle se fait payer en dollars même lorsqu’elle vend ses produits en Europe. Il est vrai que la généralisation de l’usage de l’euro dans l’euroland est encore récente…

Une telle hégémonie se traduit par un formidable avantage : dès lors qu'il s’agit d’une monnaie scripturale (pour laquelle, nous l’avons vu, il n'existe pas de limite matérielle à sa création ex nihilo), et que tous les pays en demandent pour leur commerce extérieur, le pays qui l’émet peut en fabriquer à sa guise.

Les Etats-Uniens en profitent donc et, signant sans vergogne ces reconnaissances de dettes que personne ne leur ramène en demandant de les honorer, ils vivent depuis plusieurs décennies aux frais des autres populations, achetant le monde à crédit. Professeur d’économie politique de l’Université de Californie, Benjamin J. Cohen est bien placé pour l’expliquer : «Un pays dont la monnaie bénéficie d'un statut international finance ses déficits extérieurs en émettant sa propre monnaie: «Un pays dont la monnaie bénéficie d'un statut international finance ses déficits extérieurs en émettant sa propre monnaie (38)», en prenant les chiffres de 1999, il a estimé que ceci était équivalent à un prêt sans intérêt de 25 à 30 milliards de dollars par an consenti aux États-Unis par le reste du monde

Cette évaluation doit être depuis revue à la hausse, non seulement à cause du ralentissement de l’économie américaine, mais aussi parce que le budget fédéral, qui était excédentaire en 1999, a été mis en déficit par la politique de G.W. Bush (baisse des impôts de 637 milliards en 10 ans et énorme augmentation du budget militaire, qui atteint 400 milliards). On le prévoyait de plus de 300 milliards de dollars pour 2003 et de plus de 400 pour 2004 avant de prendre en compte les suppléments pour la guerre contre l'Irak. Ainsi le déficit commercial accumulé par les États-Unis est tel qu'ils doivent au reste du monde l'équivalent d'environ le quart de leur Produit intérieur brut (PIB). Pareille dette est impensable de la part de tout autre pays, qui serait, bien avant d'en arriver à de tels excès, sanctionné par la chute de sa devise… et l'intervention du FMI.

Exemple récent :
tous les comptes exprimés en Argentine en pesos y ont été brusquement amputés de plus du tiers de leur pouvoir d'achat exprimé en dollars.

Ce qui ne peut pas arriver aux comptes américains en dollars quand la référence est le dollar américain ! Donc aux États-Unis, personne n'épargne, ni l'État, ni les ménages, ni les entreprises et il y est devenu normal de vivre à crédit. La montée de leur niveau d'endettement a donc été foudroyante, triplant entre 1964 et 2002, jusqu'à atteindre près du tiers du PIB mondial (39).
La dette des ménages est passée de 200 à 7.200 milliards de dollars et celle des entreprises, avec leur frénésie de fusions et d'acquisitions financées par emprunts, est passée de 53 à 7.620 milliards (soit presque 7 fois le PIB). Un économiste américain a calculé (40) qu'entre 1995 et 2002, le déficit de leur balance commerciale avait permis aux États-unis de confisquer 96 % de la croissance mondiale.

 

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L'exploitation du risque

Le risque inhérent, comme nous l'avons vu, à la nature de la monnaie de dette est à l'origine d'une transformation de l'économie sinon à son dévoiement.

D'abord le risque a développé un commerce lucratif, celui des assurances. On peut juger du poids pris dans la société par les compagnies d'assurance en constatant la pression qu'elles exercent pour se voir confier la gestion des retraites (41). Certains scandales récents au Royaume-Uni et aux Etats-Unis ont montré les dangers de cette gestion privée.

Le risque est aussi à l'origine de nouveaux instruments financiers, basés sur la spéculation : marchés à terme, options, appels de marge, fonds de couverture, etc., qui sont appelés produits dérivés parce que ce sont des paris sur des variations de cours, ou d'indices, ou de taux d'intérêt. Ces nouveaux “produits” se sont mis à proliférer parce que dans tous les cas, que les cours montent ou bien qu'ils baissent, leur manipulation peut rapporter très gros… Toutes ces créations aboutissent soit à élargir la gamme de ce que les spéculateurs peuvent acheter et vendre, soit à utiliser l'effet multiplicateur du crédit pour permettre aux spéculateurs de payer à crédit (mais sans utiliser leurs fonds personnels) ce qu'ils espèrent revendre plus cher, en encaissant la différence.

Cette expansion augmente considérablement les dangers du système de crédit :
fragilisation de la monnaie, accroissement du nombre des rouages qui peuvent défaillir, et, si le système s'effondre, extension de la portée du désastre. Plus grand est cet "effet de levier", plus cette explosion prend de l'envergure
.

Et tout ceci se fait à très grande vitesse et entre initiés. Pour ces derniers, c'est une aubaine, mais le fait que les produits dérivés permettent de déplacer beaucoup d'argent d'un bout à l'autre de la planète «sans qu'aucun radar ne le signale» (42) fait courir des risques imprévisibles à tous ceux qui produisent les richesses réelles. D'où les multiples crises, krach, etc. qui ruinent brutalement des États. Par exemple, alors qu'un rapport de la Banque mondiale affirmait, en 1997, que la libéralisation des marchés se traduirait par un boom économique général y compris en Asie, ce fut la catastrophe des économies et des monnaies asiatiques qui commença dès l'année suivante : chute des indices boursiers : de 80% en Indonésie, de 74% en Malaisie, de 42% en Thaïlande, de 29% en Corée du sud, et effondrements de 73% de la roupie indonésienne, de 33% du won sud-coréen, et de 12% du baht thaïlandais, suivis par celui du ringgit malais, et qui précédèrent de peu celui du dollar de Singapour, après quoi ce fut le krach du marché boursier de Hongkong. Le yen était réputé sain parce que le Japon avait la plus grande réserve en devises du monde, mais le yen s'effondra aussi. De telles crises ne sont pas l'apanage des pays de l'est asiatique : la Russie eut la sienne en 1998, puis ce fut le tour du Brésil, et celle de l'Argentine fait des ravages depuis décembre 2001

Les pouvoirs de la monnaie

La monnaie nationale constitue un lien entre les citoyens en conciliant deux contraires qui sont nécessaires pour qu'une société existe et fonctionne : l'affirmation d'une autorité, celle qui émet la monnaie, et l'affirmation d'une liberté personnelle, celle de la façon de dépenser la monnaie dont on dispose.

L'autorité qui émet la monnaie a donc le pouvoir d'exiger des membres de la société, d'une part qu'ils croient en la valeur cette monnaie puisque celle-ci n'est plus gagée sur le réel, et d'autre part qu'ils reconnaissent le droit d'acheter leurs biens ou leurs productions à tous ceux qui disposent de cette monnaie, puisqu'elle a cours forcé.

Au-delà de ce pouvoir de l'autorité, on constate un véritable fétichisme lié à la monnaie et dont l'origine remonte peut-être à la fascination exercée par l'or des pièces utilisées pendant des millénaires.

Enfin l'argent est un vecteur de domination qui affiche les inégalités. Et il devient moyen d'accaparement, donc de violence, quand il est prêté contre intérêt.

Prêter : rendre service ou faire un placement ?

De tout temps, la plupart des religions ont prêché contre le prêt à intérêt, considéré sous son aspect moral : donner aux pauvres est une vertu, mais prêter un bien, ce n'est pas tout à fait le donner, c'est accepter de s'en priver momentanément, donc offrir un service. Or la société qui se dit “moderne” a détourné le mot service de son sens premier et tend à rendre payant tout service, même le plus banal. Tous les services qui étaient naturellement gratuits deviennent payants, au point que ce qui devient anormal, au contraire, est qu'un prêt soit gratuit.

Il convient cependant de distinguer entre :

— un prêt, pendant un certain laps de temps, qui est un service rendu contre paiement,
— un placement d'argent dont on n'a pas l'usage immédiat, il ne s'agit plus là de rendre service à quelqu'un dont on connaît le besoin, mais de faire “fructifier” son épargne
— une ouverture de crédits par une banque grâce à “l'effet multiplicateur”.
Dans le deuxième cas, l'argent est placé, en général par l'intermédiaire d'une banque, qui s'engage alors à verser un certain pourcentage sur les sommes qui lui sont confiées, pour une durée déterminée et dans ce but.

Dans le troisième cas, par contre, la banque encaisse l'avoir des clients dont elle gère les comptes et qu'elle ne rémunère pas. Ces dépôts lui permettent d'ouvrir des crédits, par jeux d'écriture et effet multiplicateur, et c'est elle qui perçoit des intérêts sur ces crédits ex nihilo. Or ces derniers empiètent sérieusement sur le pouvoir d'achat de l'emprunteur qui doit rembourser beaucoup plus qu'il ne lui a été prêté. Par exemple, s'il a emprunté au taux de 15%, il devra, en moins de 5 ans, rembourser le double de la somme qui lui a été créditée.

 

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Effet boule-de-neige du prêt à intérêt :

Le petit épargnant qui place ses économies sur un livret pour acheter plus tard sa voiture dépensera son épargne, augmentée d'intérêts, au moment de cet achat.

Il n'en est pas de même pour le gros épargnant, car son épargne lui rapporte de quoi vivre de ses rentes et même de placer toujours plus. Prenons un exemple chiffré pour voir l'importance de cet effet boule-de-neige qui est la nature-même du capitalisme. Imaginons que quelqu'un dispose d'un million d'euros et le place à 10%. Au bout d'un an, il reçoit 100.000 euros d'intérêts ce qui lui permet de vivre et d'augmenter son capital. Supposons qu'il dépense 40.000 euros pour vivre, il peut placer au bout d'un an 60.000 euros en plus de son premier capital et c'est 1.060.000 euros qui vont lui rapporter la seconde année.

S'il place toujours son capital à 10 % et vit sur ses intérêts, voici les chiffres :

capital au 1er janvier - dépenses annuelles - capital à placer en fin d'année

première année 1.000.000    40.000   1.060.000 
deuxième  1.166.000 42.400 1.123.600
troisième   1.235.960 44.944 1.191.016
quatrième  1.310.117 47.640 1.262.477
cinquième  1.388.725 50.498 1.338.227 
sixième  1.418.222  53.528  1.472.050
septième 1.560.374 56.740 1.503.634
huitième 1.653.997 60.144 1.593.852
neuvième 1.753.237 63.753 1.689.484
dixième  1.858.432 67.578 1.790.854
onzième  1.969.939 71.632 11.898.307
douzième   2.088.138

On voit que son capital aura doublé en une douzaine d'années, tout en lui permettant de vivre en augmentant son train de vie de 6% par an.

La dette dans le monde

Ce mécanisme des intérêts fait comprendre le problème de la dette du Tiers monde : les pays qu'on dit en développement et qui ont emprunté aux pays riches doivent en retour leur fournir beaucoup plus qu'ils n'ont reçu d'eux. Certains sont même obligés d'emprunter à nouveau pour payer l'intérêt dû pour des prêts précédents dont ils ont déjà remboursé le capital : c'est une spirale infernale, orchestrée par le FMI, dont nous avons évoqué le rôle.

Voici quelques chiffres éloquents sur la dette extérieure du Tiers monde :

En 1979, l'augmentation brutale des taux d'intérêt (passant de 5 à 20 %) oblige les pays du sud à emprunter à des taux usuraires pour payer les intérêts de leurs dettes précédentes. En trente ans environ, cette dette passe de 50 à 2.500 milliards de dollars, soit une multiplication par 50

À elle seule, l'Amérique latine, entre 1980 et 2000, a déboursé un supplément de 106 milliards de dollars sur ce qu'elle devait. De façon générale, au cours de ces 20 ans, les pays du sud ont transféré vers les pays du Nord 3.450 milliards de dollars, ce qui correspond à six fois la dette (567 milliards) qu'ils avaient en 1981.

En 1998, les 41 pays les plus endettés du Tiers monde ont versé aux pays riches du Nord 1,680 milliard de dollars de plus que ce qu'ils ont reçu.

En 1999, les pays en voie de développement ont dù verser 350 milliards de dollars pour le service de leur dette (remboursement + intérêts), en particulier l'État brésilien a dù payer 95 milliards de réals d'intérêts alors que son budget de santé publique n'était que de 19,5 milliards.

La dette des pays du Tiers monde (hors pays de l'Est) est aujourd'hui de 2.000 milliards de dollars (43). L'Afrique subsaharienne rembourse chaque année quatre fois plus qu'elle ne dépense pour la santé et l'éducation.

À quoi sert de donner au pauvre si les règles financières l'attachent à sa pauvreté ?

 

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Taux d'intérêt et taux d'inflation

L'inflation, par contre, allège la dette. Prenons l'exemple d'un prêt de dix millions à 10%.
Contracté aujourd'hui, cela signifie qu'il faudra rembourser en un peu plus de sept ans, 20 millions. Mais si d'ici là la monnaie a été dévaluée de 5%, ces 20 millions à payer auront, dans sept ans, un pouvoir d'achat équivalant à celui d'un peu moins de 14 millions d'aujourd'hui.

Celui qui fait crédit est favorisé par l'élévation des taux d'intérêt.
Celui qui est obligé d'emprunter est favorisé quand le taux d'inflation augmente.

Au cours des Trente glorieuses, le taux d'inflation était très élevé, il a dépassé les 15%, ce qui a favorisé de gros investissements et permis à tous ceux qui bénéficiaient alors de gros revenus de se constituer un patrimoine. Ensuite, le mot d'ordre a été de “juguler” l'inflation, ce qui a permis de maintenir la valeur de ces patrimoines. La politique imposée par le traité de Maastricht à la Banque Centrale Européenne, en lui donnant pour seule directive d'empêcher que l'inflation des prix dépasse 2%, va dans ce sens : elle protège les détenteurs de capitaux au détriment de tous ceux qui sont amenés à emprunter. Quand les taux d'intérêts des prêts sont supérieurs au taux d'inflation des prix, les intérêts des "bancassurances” sont assurés et le nombre de ménages surendettés augmente.

(35) “cours forcé ” et “cours légal” de la monnaie nationale. 

(36) ensemble des pays européens ayant adopté l'euro.

(37) Benjamin J. Cohen est Professeur d'économie politique de l'Université de Californie

(38) dans le numéro hors série sur la monnaie, N°45 de la revue Alternatives économiques, (3 ème trimestre 2000).

(39) Voir, par exemple, les chiffres rappelés par Frédéric Clairmont dans Le Monde Diplomatique d'avril 2003.

(40) Voir Monde du 20/11/2003.

(41) Nous l'avons compris en étudiant le problème des retraites. Lire à ce sujet le N°989, intitulé “Retraites, l'intox pour les fonds de pension”, et les numéros 1008, 1017, 1022, 1026, 1028, 1032 du mensuel La Grande Relève, BP 108, 78115 Le Vésinet, cedex.

(42) R. Hahnel, “La panique aux commandes.

(43) Tribunal des Peuples, Porto Alegre, Attac info 312, du 8 mars 2002.

Sources : http://www.france.attac.org/ et multiples références

 

Yves Herbo/MPSA/2014

 

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